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Contentieux de l'urbanisme : le piège de la production du titre justificatif

Attention au piège de la production du titre dès la première instance (R. 600-4 du code de l'urbanisme) : CE, 22 avril 2022, n° 451156


Les règles applicables au contentieux de l'urbanisme comportent quelques spécificités appelant les requérants à l'attention lors de l'introduction et de la gestion des recours devant les juridictions administratives.


Le Conseil d'Etat vient de l'illustrer de nouveau, dans sa décision précitée, à propos d'un permis de construire (un hangar, en l'occurrence).


En cause, les dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, prolongeant notamment l'article L. 600-1-2, aux termes desquelles :


"Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant.


Lorsqu'elles sont introduites par une association, ces mêmes requêtes doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées des statuts de celle-ci, ainsi que du récépissé attestant de sa déclaration en préfecture.


Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire".


La production de l'une des pièces précitées, de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant, permet de justifier de sa capacité à agir, c'est-à-dire à saisir la juridiction administrative, avant même que ne soit examiné son éventuel intérêt à agir : le titre est nécessaire à l'introduction de l'instance ; il ne dit rien du bien-fondé de celle-ci.


Après que le président du Tribunal administratif de Nîmes avait rejeté sa demande comme irrecevable au motif que la requérante, qui s'était prévalue de sa qualité de voisine du projet litigieux, n'avait pas produit le titre de propriété correspondant au bien qu'elle alléguait détenir en cette qualité, en dépit de l'invitation à régulariser que lui avait adressée le tribunal, elle avait interjeté appel.


La Cour administrative d'appel de Marseille a également rejeté son appel par ordonnant, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative au motif qu'il était manifestement dépourvu de fondement.


Le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi, est revenu sur l'importance qu'il y a à produire, dès la permière instance, tout acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant. Si certaines conditions sont réunies en première instance, le requérant qui ne l'aura pas fait, ne pourra le faire pour la première fois en appel, pour régulariser son recours, autrement dit pour se "rattraper".


La règle, la marche à suivre par l'adversaire ou par le juge, et la réponse à apportée par le requérant, est ainsi posée par le Conseil d'Etat :


"5. Il appartient à l'auteur d'un recours contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol, autre que le pétitionnaire, de produire la ou les pièces requises par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, notamment, s'agissant d'un requérant autre que l'Etat, une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou une association, le titre ou l'acte correspondant au bien dont les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance seraient selon lui directement affectées par le projet litigieux. Dans le cas où, à la suite d'une fin de non-recevoir opposée sur ce point par le défendeur ou, à défaut, d'une invitation à régulariser qu'il appartient alors au tribunal administratif de lui adresser, la ou les pièces requises par ces dispositions n'ont pas été produites, la requête doit être rejetée comme irrecevable. Sous réserve du cas dans lequel le juge d'appel annulerait le jugement et statuerait sur la demande de première instance par la voie de l'évocation, le requérant n'est pas recevable à produire pour la première fois en appel ces éléments justificatifs, notamment, s'agissant d'un requérant entrant dans le champ d'application du premier alinéa de l'article R. 600-4, le titre ou l'acte correspondant à l'intérêt pour agir dont il se prévalait en première instance".


La règle, pour sévère qu'elle paraisse, est malgré tout entourée de garanties imposant une vigilance au requérant, puisque l'irrecevabilité de sa requête pour défaut de production de l'acte ne peut intervenir que si le requérant n'a pas produit l'acte après que :

  • Soit le défendeur a invoqué une fin de non-recevoir tirée de ce défaut de production (c'est alors écrit dans le mémoire en défense),

  • Soit le Tribunal a préalablement invité le requérant à régulariser sa requête en lui demandant de le produire.

Dans un cas comme dans l'autre, le requérant aura été, préalablement à la décision de justice, informé de la lacune affectant sa requête, lacune qu'il n'aura alors pas comblée.


Le Conseil d'Etat relève ainsi "qu'en jugeant que Mme C..., qui s'était prévalue devant le tribunal administratif de Nîmes de sa qualité de voisine du projet litigieux mais n'avait pas produit, en dépit de l'invitation à régulariser que lui avait adressée le tribunal, le titre de propriété correspondant au bien qu'elle alléguait détenir en cette qualité, n'était pas recevable à produire cette pièce pour la première fois en appel, le président de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit".






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