Quel est l'impact d'un affichage irrégulier du permis de construire sur le délai de recours contentieux qui est ouvert pour les tiers ?
En particulier, l'absence de mention de l'adresse de la mairie où peut être consulté le dossier, constitue-t-elle une irrégularité de l'affichage justifiant l'absence de déclenchement du délai de recours de deux mois ?
Le Conseil d'Etat apporte une réponse dans une décision récente (CE, 16 octobre 2020, n° 429357).
On songera que l'appréciation des juges sur cette question est d'autant plus déterminante lorsque, comme dans l'affaire commentée, le Tribunal administratif de Bastia a, dans son jugement du 31 janvier 2019, admis le recours et annulé un permis de construire 6 logements...
1. Les données du problème sont les suivantes.
En droit, l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme dispose que :
" Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ".
Il résulte de l'article A. 424-16 du même code ayant précisé l'article R. 424-15 (dans sa rédaction applicable à l'affaire commentée), que
" Le panneau prévu à l'article A. 424-1 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté (...) ".
Autrement dit, le déclenchement du délai de recours dépend, strictement, de l'affichage régulier du permis de construire le terrain, entendu comme respectant le formalisme et les mentions prévues par le code de l'urbanisme : si l'affichage est irrégulier, il est susceptible de ne pas faire courir le délai de recours des tiers, si bien qu'un recours peut être recevable bien au-delà du délai de deux mois indiqué.
2. Avant de pouvoir annuler le permis de construire sui lui était soumis, le Tribunal administratif de Bastia a donc dû admettre que le recours était recevable et n'était pas tardif comme intervenant au-delà du délai de deux mois suivant le premier jour de l'affichage du permis sur le terrain.
On comprend de l'affaire que le permis avait vraisemblablement été affiché depuis plus de deux mois sur le terrain, à la date d'introduction du recours (à défaut de quoi personne ne serait venu discuter la régularité de cet affichage).
Le Coneil d'Etat indique ainsi que :
"Pour juger que l'affichage du permis de construire litigieux sur le terrain n'était pas régulier et n'avait pu ainsi déclencher le délai de recours contentieux à l'égard des tiers, le tribunal administratif de Bastia a relevé que le panneau ne mentionnait pas l'adresse de la mairie où le dossier pouvait être consulté et que, compte tenu de la taille de la commune d'Ajaccio et de la dispersion des services municipaux sur le territoire de la commune, une telle mention revêtait un caractère substantiel".
3. Le Conseil d'Etat a santionné ce raisonnement, après avoir préalablement rappelé l'objet des règles liées à l'affichage du permis de construire sur le terrain :
" En imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur le permis et le lieu de consultation du dossier, les dispositions citées au point précédent ont notamment pour objet de mettre les tiers à même de consulter le dossier du permis. Il s'ensuit que, si les mentions relatives à l'identification du permis et au lieu de consultation du dossier prévues par l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme doivent, en principe, figurer sur le panneau d'affichage, une erreur ou omission entachant l'une d'entre elles ne conduit à faire obstacle au déclenchement du délai de recours que dans le cas où cette erreur est de nature à affecter la capacité des tiers à identifier, à la seule lecture du panneau d'affichage, le permis et l'administration à laquelle il convient de s'adresser pour consulter le dossier ".
3.1. Autrement dit, des omissions ou erreurs ne pourront faire obstacle au déclenchement du délai de recours de deux mois, que si elles sont susceptibles d'affecter la capacité des tiers à identifier, à la seule lecture du panneau, le permis et l'administration à laquelle il convient de s'adresser pour consulter le dossier.
3.2. Ce faisant, le Conseil d'Etat a estimé qu'en mentionnant la mairie d'Ajaccio, l'information était suffisante pour permettre au tiers intéressé de s'adresser à elle :
"qu'en mentionnant la mairie d'Ajaccio le panneau d'affichage renseignait les tiers sur l'administration à laquelle s'adresser, le tribunal administratif a commis une erreur de droit".
4. En conclusion, si des erreurs ou omissions affectant les mentions d'un affichage de permis quel qu'il soit (de construire, de démolir, d'aménager) ou de non-opposition à déclaration préalable, sont en fin de compte susceptibles de ne pas être sanctionnées par l'admission de recours au-delà du délai de 2 mois suivant le 1er jour de l'affichage sur le terrain, il pourra dans bien des cas être préférable de mentionner strictement les informations règlementaires de façon à s'épargner des constentieux qui n'en fississent pas.
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