Par un arrêt du 7 juin 2024, le Conseil d’Etat (Conseil d’Etat, 7 juin 2024, n°472662) précise les règles de prescription applicables s’agissant de la responsabilité décennale des constructeurs.
Dans le cas d’espèce, la demande d’extension des opérations d’expertise présentée au Tribunal administratif de Nancy le 17 mars 2008 ne contenait aucune mention ni référence aux pédiluves extérieurs. La Cour administrative d’appel de Nancy a considéré, eu égard à cette constatation, que cette demande n’était pas de nature à interrompre le délai de prescription de l’action en garantie décennale au regard des désordres et ce aux termes d’une jurisprudence constante (Conseil d’Etat, 4 février 2021, n°441593).
Le Conseil d'Etat juge que :
" 2. En premier lieu, aux termes de l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, applicable à l'action en référé-expertise introduite le 17 août 2007 par la communauté de communes devant le tribunal administratif de Nancy et aux demandes d'extension de l'expertise ordonnée par le juge des référés de ce tribunal : " Une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ". Il résulte de ces dispositions, applicables à la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l'égard des maîtres d'ouvrage public, qu'une citation en justice, au fond ou en référé, n'interrompt le délai de prescription que pour les désordres qui y sont expressément visés et à la double condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait.
(...) 4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande d'extension des opérations d'expertise présentée par la communauté de communes le 17 mars 2008 devant le tribunal administratif de Nancy ne contenait aucune mention ou référence, même indirecte, à des désordres affectant les pédiluves extérieurs, lesquels, au demeurant, n'ont été signalés par l'expert qu'en avril 2013. Par suite, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour administrative d'appel de Nancy a retenu que la demande d'extension des opérations d'expertise ne couvrait pas les désordres affectant les pédiluves extérieurs. En en déduisant que cette demande n'était pas de nature à interrompre le délai de prescription de l'action en garantie décennale s'agissant de ces désordres, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ".
De plus, l’article 2243 du code civil prévoit que « L’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ».
Le Conseil d’Etat rejette le pourvoi formé devant lui en considérant que la Cour administrative d’appel de Nancy n’a pas commis d’erreur de droit en considérant qu’un rejet définitif d’une requête pour irrecevabilité empêche la communauté de commune requérante de se prévaloir, à l’égard des constructeurs, de l’interruption de la prescription de la garantie décennale résultant de l’introduction de cette requête, en ces termes :
« 6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que devant le juge administratif, un requérant ne peut plus se prévaloir de l’effet interruptif attaché à sa demande lorsque celle-ci est définitivement rejetée, quel que soit le motif de ce rejet, sauf si celui-ci résulte de l’incompétence de la juridiction saisie ».
Par conséquent, cette décision jurisprudentielle confirme la règle selon laquelle une action en justice interrompt la prescription uniquement à l’égard des désordres qu’elle vise mais également que l’effet interruptif attaché à sa demande prend fin lorsque la demande du requérant est définitivement rejetée.
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